"Ne m'oublie pas " ...

Lorsque ma mère est entrée dans la cuisine les bras remplis de nourriture , j'ai changé de regard. Mes yeux sont devenus tristes, mes gestes plus lents et monotones ,puis j'ai exprimé un vif ressentiment que j'ai immédiatement retourné contre ma mère . Lui répondant à peine, ayant un milliers de pensée négatives à la minutes qui m'assaillirent et que je n'avais d'autres choix que d'évacuer qu'en la rejetant sur les autres . "Et pourquoi revient-elle les bras pleins comme si elle n'avais pas les moyens de faire ses couses chez elle !?" " Pourquoi a-t-elle acheté cela alors qu'il y a des desserts par dizaines et que je lui ai précisé de ne rien prendre pour ce soir!?" "Pourquoi achète-t-elle d'ailleurs tout cela pour mon frère alors même qu'il n'a plus sa place ici !" . Mes raisons de m'enrager devenaient même illégitimes tant, même si au départ elles partaient d'un argument en partie vrai, elles débordaient d'une haine gratuite .Mais cette haine gratuite c'était d'abord ce que je devais supportais à l'intérieur de mon cerveau au moment même où j'exprimais cette colère . Je n'en pouvais plus ! En cet instant j'aurai voulu disparaître à nouveau, exploser, faire n'importe quoi juste pour oublier, lâcher totalement prise dans cette vie de fatigue et de lutte permanente . Pourtant, l'heure juste avant , allongée sur mon transat, je me disais à quelle point la vie pouvait être douce et savoureuse ,tant j'étais bien ,là, à ne penser à rien qu'au doux chant des cigales dans les arbres . Seulement, en une seconde, parce qu’on avait introduit une nourriture "sale" dans le monde "pur" dans lequel je vivais depuis déjà six ans , mon humeur s'était transformé, je n'étais plus la jeune fille souriante et ouverte que certains connaissaient, mais cet autre, ce double si fidèle et si précieux qui semble en rupture totale avec le monde qui l'entoure .

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"Voilà à quoi vous condamne l'anorexie mentale (...)

vous ne choisissez plus rien :

aucun moment dans lequel elle surgira

ou au contraire devra s'abstenir"

Voilà à quoi vous condamne l'anorexie mentale dès lors que vous vous êtes perdus dans ses terres lointaines et hostiles . Voilà que désormais vous ne choisissez plus rien : aucun moment dans lequel elle surgira ou au contraire devra s'abstenir .On n,'est jamais tranquille , elle peut surgir n'importe où où on ne l'attend plus, où on ne l'attend pas . D'un instant à l'autre, à cause d'un détail, d'un mot, d'une parole, d'un geste, d'une vision, elle se ranime en vous et vous rappelle qu'elle est la :" Ne m'oublie pas" .

L'autre jour par exemple, alors que j'avais passé une merveilleuse après-midi en compagnie d'une personne chère à ma yeux, je fus prise d'un sursaut d'angoisse qui chamboula mon cœur, le retourna , et mis fin au moment casi-idyllique que j'avais passé . De nouveau c'est la vision d'une nourriture grasse et "sale" qui me renvoya à mes plus grosses difficultés et me donna envie de fuir, ou de mourir . Oui, ne voyant d'autre issu que la fuite devant cette nourriture, mais devant absolument m'abstenir de tout cri, de tout geste, de tout comportement "déplacé", c'est au fond de moi-même que je dus conserver et contrôler cette intense et inextricable douleur . Pourtant ,j'étais en apparence tiraillée entre l'envie et l'interdit, ; mais désormais, plus le temps passait ,plus l'envie s'estompait et ne laissait plus que la place de ce rejet, de cette haine de l'aliment, cette peur , peur du vol, peur du viol, peur du rapport à la chair,du rapport charnel.

"La blessure vient de l'enfance,

elle est déporté à l'adolescence sur un refus de nourriture et de vie..."

Car dans l'anorexie, tout se fond et se confond, tout se mélange et se dérange ,tout est lié.Oui, indéniablement lié. La blessure vient de l'enfance, elle est déporté à l'adolescence sur un refus de nourriture et de vie, elle se reprécise avec le temps et l'instabilité physique et émotionnelle comme une douleur qui viendrait se rajouter à une autre mais qui n'est en fait que la cause de cette autre.