Violences masculines et Anorexie.

Aujourd'hui, en me levant, j'ai immédiatement fait un lien entre un rêve fait pendant la nuit et deux évènements dont j'ai souffert étant plus jeune.

Il est clair qu'on ne doit pas parler de ces choses là mais c'est justement pour cela que moi j'en parle.

Il faut cesser de se bâillonner par honte et/ou par pudeur, aller au delà de toutes les injonctions que la société nous impose car c'est à cause d'elle et de ce silence que des jeunes filles comme ça souffrent et continueront encore de souffrir si nous ne brisons pas le tabou. Le tabou des mots ou plutôt celui de l'absence de mots qui crée à son tour des maux.

"Il faut cesser de se bâillonner par honte et/ou par pudeur"

Le rêve que j'ai fait, sans entrer dans les détails douloureux, me mettait encore en situation de danger potentiel face à un homme. Il y a sept ans, lorsque j'avais un pied bien enfoncé déjà dans la maladie, et seule une maigre chance de pouvoir m'en extirper à temps, j'ai subi une première agression. Je prenais ma douche tranquillement dans les sanitaires d'un camping du sud de la France quand soudain en levant la tête j'eus l'horreur de découvrir deux yeux noirs me fixer durablement ! Je ne sus ce qu'il m'arrivait mais j'ai le souvenir absolument certain d'être sortie en hurlant : " Il y a un pervers là" et en pointant du doigts la porte derrière laquelle cet homme affreux s'était enfermé pour mieux me regarder. A côté de moi se tenait ma mère qui prit immédiatement ma défense et exigea que l'homme sorte . Rien n'y fit : il niât .

Deux mois après cet évènement, on diagnostiqua mon anorexie. Sept ans après cet évènement, ma relation aux homme est toujours viciée et mon incapacité à créer une relation saine et de confiance avec l'un d'eux est réelle.

Il y a un an maintenant, alors que je me promenai en ville bien tranquillement, un homme chercha violemment à s'en prendre à moi en hurlant d'une voix sauvage "je vais te violer" ! ".J'entends encore ces mots terribles à l'oreille et cette situation m'a même longtemps empêché de sortir dans la rue sans une crainte terrible d'être de nouveau agressé. J'eus la chance à ce moment là de trouver refuge dans un bureau de poste avant qu'il n'ai eu le temps de faire ce qu'il disait mais j'ai souvent pensé et repensé à ce qu'il aurait pu m'arriver si cela n'avait pas été le cas.

C'est aussi pour cela qu'il y a un an j'ai décidé de donner à l'écriture de ce blog une nouvelle tournure : le dédier à l'anorexie mais aussi et surtout aux femmes. Car pour moi, je le sais aujourd'hui, mon anorexie est liée à des violences subies, et parmi ces violences il y a celles infligées par les hommes. Je sais aussi que dans de nombreux cas, c'est ce facteur là qui est mis en. avant : une violence sexuelle subie dans l'enfance. Je considère que ces violences sont aussi de cet ordre et je sais que si je n'ai pas aujourd'hui de comportement sain ni naturel avec les hommes c'est à cause de celles-ci.

Peut-on imaginer la souffrance subie par une femme dans de telles situations ? Peut-on comprendre les impacts que cela peut avoir sur sa vie future ?

Cette souffrance, ces impacts là sont nombreux et terribles . Pour ma part il s'agit d'une peur des hommes même inconsciente. D'une peur de l'intrusion d'autrui dans mon cercle le plus intime de moi-même. Une peur qui ne s'explique ni ne se justifie mais une peur bien réelle et indissoluble sans un travail de longue haleine sur soi et en soi.

Ne croyez pas que je me contente de décrire une situation sans lutter contre mais seulement en l'acceptant comme une fatalité. Non, ne le croyez pas. Je lutte contre mais j'aimerai aussi que plus personne n'ai à lutter de cette manière et à subir toute la souffrance que je subis et subi encore . Nous ne devrions pas en arriver là car nous ne devrions pas, nous les femmes être traitées aussi souvent et aussi facilement de la sorte. Violences psychologiques ou physiques sont trop présentes dans la vie des femmes.

Fragiles, névrosées, objets de désirs, les femmes sont trop souvent dévalorisées ou réduites à leur position d'objet de pure reproduction.

Aujourd'hui j'ai fais ce lien car mon mal à moi se nomme "anorexie" . Aujourd'hui j'ai osé élever ma voix mais cette voix ne doit qu'être la voix de toutes les femmes qui d'une certaine manière auront exprimé la souffrance qu'elles ont subi : par le manque de confiance en elle, par des addictions qu'elles qu'elles soient, par la multiplication des relations pour mieux oublier ou se protéger, par l'abandon d'elles-mêmes ou par le repli sur soi... Les formes d'expression de ces souffrances sont nombreuses mais trop présentes encore.

"Qui sait combien de personnes sombrent dans la maladie, ou même pire encore se donnent la mort à cause d'un évènement passé mais pour lequel ils n'ont jamais su trouver en eux la force de la résilience ? "

Je n'irai pas plus loin par peur de l'égarement mais en écrivant j'ai libéré ce poids qui me pesait depuis si longtemps. J'ai transformé en quelque chose d'harmonieux des choses qui me torturaient l'âme par leur caractère acéré et vif. J'ai écrit ce texte car écrire est ma plus belle arme contre mes maux. Mais écrire est aussi pour moi une manière de prendre la parole pour toutes celles qui souffrent mais qui comme moi pendant longtemps se sont tus et se taisent encore. On pense d'ailleurs que cela n'a pas tant d'importance, qu'il faut relativiser, qu'il n'y " a pas mort d'homme" comme on dit. Pas directement, non, mais plus tard, qui sait combien de personnes sombrent dans la maladie, ou même pire encore se donnent la mort à cause d'un évènement passé mais pour lequel ils n'ont jamais su trouver en eux la force de la résilience ?

Parler, et même mieux écrire fait du bien, apaise. Publier ce texte encore plus. Très intime et personnel, j'ai longtemps hésité avant de l'exposer au grand jour. C'est environ un mois après son écriture que je me décide enfin à le sortir du tiroir.

Parce que ce blog doit continuer, parce qu'aider et m'aider moi-même m'est important.

Je continuerai ce blog dédié depuis plus d'un an à l'anorexie et aux femmes...